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Pa'onya, relocaliser la fleur coupée.

 La semaison, c’est la dispersion naturelle des graines d’une plante, c’est la contraction des mots semer et saison. SEMAISON, ce sont des milliers de graines cachées dans la terre qui n’attendent que le climax propice pour germer, c’est une plante qui émerge des fissures du béton sur un trottoir en ville. C’est semer des histoires inspirantes au fil des saisons. Des récits de vies paysannes, aux côtés de celles et ceux qui s’engagent pour un quotidien plus durable et désirable. 
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    C’est à Orvault, ville frontalière de Nantes, que se sont installés Estelle et Simon en 2021, avec l’ambition d’y produire des fleurs coupées, conduites en agriculture biologique. Elles sont ensuite vendues sous forme d’abonnement directement à la ferme, sur les marchés ainsi qu’aux fleuristes de la région Nantaise. Un engagement pour la re-localisation d’une filière florale à la traçabilité souvent douteuse quant à l’origine des fleurs et des traitements qui y sont pulvérisés.

« Paeonia » c’est le nom latin de la pivoine, c’est aussi la fleur préférée d’Estelle et de Simon, qui ont nommé leur ferme en hommage à celle-ci : Pa’onya. Nous sommes à Orvault, tout près de Nantes. De l’arrêt de bus il faut marcher 20 minutes pour atteindre la ferme florale. Plus j’avance, plus le paysage se mue en campagne et les champs prennent le dessus sur les habitations. Nous sommes fin septembre, la production de fleurs coupées touche à sa fin en Loire-Atlantique. Il sera bientôt temps de récolter les semences de zinnias et autres cosmos avant de préparer le sol pour la saison 2023.

 

J’arrive sur leur terrain de 6 000m², un bel espace dont le couple cultive 2 500m² en cette première année de production. Cosmos, dahlias et zinnias de toutes les couleurs et toutes les formes égayent les planches. De jeunes arbres apportent de la hauteur et, d’ici quelques années, ils produiront l’ombre nécessaire à des étés de plus en plus chauds et du feuillage pour étoffer les bouquets.

 

Pa’onya c’était la suite logique pour Estelle, fleuriste de formation, qui voyait passer entre ses mains des fleurs à la traçabilité douteuse « Quand tu es fleuriste forcément, t’as toutes les fleurs importées de Hollande, du Kenya. Les roses au mois de février pour la Saint Valentin, tout vient de l’Equateur. ». On estime qu’en France, 80% des fleurs vendues sont aujourd’hui importées. Simon, quant a lui, a toujours eu un pied dans la terre. Plus jeune, il aidait ses parents dans leur ferme maraîchère en Gironde. Après un BAC agricole, il a travaillé comme ouvreur sur des parcours d’escalade avant de retrouver le chemin des champs avec Estelle.
Si on estime qu’au cours des dix dernières années, environ 40% des producteur.ices de fleurs françaises ont disparu, le couple fait partie d’une nouvelle vague de floriculteur.ices, nombreux.ses à s’installer ces deux dernières années. Un constat que fait le couple, membre du Collectif de la fleur française*, association qui promeut la production de fleurs locales et de saison en France. Un engouement également pour cette filière, qui offre des bouquets aux allures champêtres, loin des traditionnelles roses que l’on retrouve sur les étales. « Les fleuristes viennent ici, ça les arrange. Ils achètent des fleurs naturelles qu’ils ne trouvent pas forcement au MIN [Marché d’Intérêt National] parce que ça vient de loin. Tout ce qui est cosmos, bleuets, toutes les fleurettes fragiles comme la nigelle, ça ne se vend pas au MIN, ou très cher, alors ça permet d’avoir d’autres variétés qu’on ne peut pas avoir quand on exporte. » m’explique Estelle.

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Les débouchés sont nombreux, partagés en particuliers et professionnels. Le label AB est un gage de qualité dans cette filière où les traitement sur les fleurs sont toujours plus nombreux, réalisés avec des produits  souvent interdits au sein de l’union européenne. Ici, Simon et Estelle ne traitent aucune plante. Ils misent sur la qualité du sol pour produire des plants sains, tout en diversifiant les variétés, près d’une soixantaine sur l’année. Simon donne l’exemple du lisianthus, élégante plante aux fleurs qui pourraient de loin s’apparenter aux roses, gourmande en nutriment et qui appauvrit rapidement la terre. Cette année ils en ont produit en grande quantité sous l’une des serres qui jonchent le terrain « on sait qu’il va falloir beaucoup de choses pour apporter de l’énergie au sol ». Un traitement par la racine plutôt que sur les plantes. Cela passe par des apports de matière organique tels que le fumier mais aussi par un couvert du sol pour en conserver la biodiversité et limiter les herbes indésirables. Ensuite, un travail du sol minime, avec peu de mécanique « on ne travaille qu’à la grelinette, et après c’est du travail à la main ».

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Les deux floriculteurs cheminent entre les rangs colorés. Simon, des Cosmos à la main, tandis qu’Estelle choisi les zinnias qui orneront la commande du jour. Puis c’est au tour des dahlias de passer sous la lame discrète du sécateur. Leur jeune chienne aux yeux bleus se perd dans les fleurs, elle les suit en sautillant. Je leur demande quel lien ils entretiennent avec cette terre. « On ne se sent pas à la ville, même si on est très proche » me dit l’un, l’autre ajoute « On travaille beaucoup, on fait bien 60 heures par semaine, c’est du 7 jour sur 7, il faut arroser, il y a toujours quelque chose à faire. Mais on est tranquille, on est bien là », une vie dont les liens entre personnel et professionnel sont parfois difficiles à dénouer. Ils se reposeront cet hiver, quand les feuilles des arbres qui cernent la ferme auront fini de tomber, en accord avec les plantes. Il faut dire que cet été sec n’a pas été de tout repos. Même si le lieu possède des terres qui ont gardé de l’humidité en profondeur, il a fallu arroser tous les jours et certaines fleurs n’ont pas supporté la chaleur. Qu’à cela ne tienne, c’est la première année, ils vont pouvoir s’y adapter. « On est entrain de tendre vers un climat de plus en plus méditerranéen donc tout ce qui était produit il y a 10, 15 ans dans le sud, il va falloir se les approprier ici » me dit Simon. « On se tourne vers des plantes qui sont plus résistantes à la chaleur », les fleurs vendues sèches en sont un bon exemple : eustatis, gomfrena ou encore verveine de Buenos-Airs.

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 Cela passe également par la plantation d’arbres entre les rangs pour apporter l’ombre et la fraîcheur qui a manqué cet été 2022. « Au début on avait un peu peur, des personnes nous disaient qu’il fallait beaucoup de lumière. En fait, on s’est rendu compte que sur certains fleurs il n’y avait pas besoin de tant de lumière que ça pour qu’elles poussent bien, voir que c’était presque bénéfique qu’elles aient un peu d’ombre. On va essayer, au moins sur les vivaces, d’intégrer des arbres ». Les plantations vont d’ailleurs bientôt reprendre avec l’automne, pour accompagner les jeunes arbustes qui plus tard ombreront également la terrasse sur laquelle nous buvons un café. « Le but c’est aussi d’implanter des arbres qui vont nous être utiles pour du feuillage, pour aller piquer dedans. Que ce soit de l’arbre fruitier, du mimosa, tout ce qui est prunus, cerisier, ça nous fait un plus. ». Estelle prend une fleur séchée dans sa main, la froisse puis souffle dessus pour en faire ressortir les précieuses graines paysannes. L’heure est à la conservation des semences, afin de les ressemer au printemps prochain.

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Dans leur installation, les floriculteurs ne sont pas seuls. D’autres jeunes agriculteurs s’installent autour de la rue Notre-Dame des Anges, à Orvault. Ils peuvent compter sur les conseils avisés de Jean-Michel, le père de Simon et maraîcher de la micro-ferme des Anges, parcelle voisine à la leur, une histoire familiale. Des projets, ils en ont plein en cette fin de première saison : construire un atelier pour composer les bouquets, créer une chambre froide naturelle et développer la vente aux professionnels.
Je pars de la ferme un grand sourire aux lèvres, des fleurs encore plein les yeux et un bouquet à la main. Rencontrer Estelle et Simon c’est joyeux, généreux, à l’image des bouquets qu’ils préparent. C’est un engagement, celui de participer au développement d’une fleur française sans chimie, de saison, produite sur un système agroécologique et vendue en circuit court.
D’ici cinq ans, les arbres auront poussé, les graines se seront adaptés à ce terroir et les bouquets se seront étoffés. J’ai déjà hâte de voir Pa’onya planter plus profondément ses racines sous terre et déployer ses pétales avec Estelle et Simon.



*https://www.collectifdelafleurfrancaise.com/

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