C’est au coeur de la presque-île du Croisic, sur un site naturel protégé, que Jean-Marie et Valérie Pedron ont fait le pari en 2010 de reprendre les salines familiales de Saint Goustan pour y développer un projet d’aquaculture marine, en accord avec leurs envies de préserver cet environnement riche en biodiversité, après avoir travaillé dans les aquariums marins de Lyon et de Saint-Malo.
Aujourd’hui, les précieuses récoltes des deux cueilleurs d’algues passionnés, membres du collège culinaire de France, se retrouvent sur les tables étoilées de nombreux chefs tels que Anne Sophie Pic ou Pierre Gagnaire ainsi quand dans les assiettes des restaurateurs de la région. Soucieux de partager leurs connaissances et les bonnes pratiques, les algues ont également trouvé leur place dans les ateliers découvertes animés par Valérie.
Par une journée ensoleillée du mois d’août, j’ai eu le plaisir d’accompagner Jean-Marie et Estelle, passionnée par les plantes et fraîchement employée à la ferme, pour une cueillette d’algues sur l’espace infra-littoral de la côte. Le tableau est idyllique: un ciel bleu sans un nuage, un bateau à voile au loin parfait le décor d’une côte encore préservée du tourisme (ce qui est assez rare sur la presque-île pour être souligné). Ses rochers sont gorgés d’algues, l’éclat du soleil vient se refléter sur l’eau transformant chaque plante marine en véritable bijou. Ça ondule, ça scintille avec le mouvement des vagues, Jean-Marie sort ses ciseaux pour couper la laitue de mer.
La démarche des Jardins de la mer est avant tout écologique: préserver l’environnement des côtes en offrant un produit sain, d’une qualité remarquable, riche en sels minéraux et en oligo-éléments. Le prélèvement est fait de manière à ne pas perturber l’écosystème existant: une récolte en saison optimale, toujours aux ciseaux pour permettre la repousse de ces végétaux marins et pas plus d’un tiers prélevé au même endroit. Le reste est laissé à la croissance des algues et aux habitants des rochers, comme les gastéropodes, pour ne pas perturber l’écosystème existant. Tandis que l’on s’enlise dans l’eau, le seau se rempli d’algues Aonori vertes, Ulva intestinalis, et de Dulse, Palmaria palmata, algue rouge croquante au goût iodé. J’en profite pour goûter chaque produit, si seulement quinze variétés d’algues sont classées comestibles, aucune n’est réellement impropre à la consommation. Estelle nous rejoint en grignotant une algue, pétillante, un seau sur la tête pour rentrer à la ferme dédiée à la transformation.
Les algues sont nettoyées et entreposées dans des grands bacs d’eau salé à remous afin de recréer les mouvements de la mer, avant de partir fraîches chez les restaurateurs, d’être séchées au soleil ou transformées en un délicieux caviar d’algues, une recette familiale.
Les fermiers de la mer proposent également des plantes et fleurs endémiques des côtes telles que la criste marine, la roquette sauvage ou encore l’obione faux pourpier. À terme, ils aimeraient pouvoir en cultiver une majeure partie sur la ferme de sept hectares afin de préserver la flore restante sur les côtes, qui tend à se raréfier à mesure que le tourisme de masse augmente dans la région. Ils ont ainsi remarqué la qualité exceptionnelle des algues récoltées au printemps 2020, pendant le confinement lié au covid-19, lorsqu’ils étaient les seuls à pouvoir atteindre les côtes croisicaises.
Jean-Marie et Valérie Pedron c’est l’odeur de l’iode, le mouvement de la mer dans chacun de leur produit, c’est un travail minutieux, ce sont des rires et une bonne humeur contagieuse. Mais les jardins de la mer, c’est avant tout un engagement, le partage d’une passion pour la préservation de ce territoire familial de Loire Atlantique et le bien manger.
